Le changement de règles pour les transferts en Angleterre va-t-il mettre en danger les finances des clubs belges de football?
Le Brexit va avoir de nombreuses conséquences pour les Britanniques, mais aussi pour les Européens. Le monde du sport n’est pas épargné. Le changement de règles britanniques pour les transferts des joueurs de football va sans doute avoir un impact important sur l’économie du football.
Ces dernières saisons, de nombreux clubs belges ont pu compter sur les bourses généreuses des clubs anglais pour vendre au prix fort leurs plus belles pépites. 26 millions d’euros pour Genk avec le transfert de Berg à Sheffield United, 25 millions d’euros pour le Club de Bruges grâce à la vente de Wesley à Aston Villa, plus de 20 millions d’euros pour Genk avec le départ de Trossard à Brighton,… Sur les 5 dernières saisons, les clubs anglais sont ceux qui ont le plus alimenté, et de très loin, les caisses des clubs belges en termes de transfert. Selon nos estimations, les clubs anglais ont versé près de 250 millions d’euros aux clubs belges sur les 5 dernières saisons. Des transactions qui sont souvent indispensables à l’équilibre budgétaire des clubs belges, ou qui leur permettent d’entrevoir de nouveaux investissements.
Cet équilibre est-il menacé par les nouvelles règles de transferts qui seront d’application dès le 1er janvier 2021 suite au Brexit ? Il est encore trop tôt pour l’écrire, tant les conséquences de ces changements sont compliqués à prévoir. Pour rappel, les nouvelles règles entrent en vigueur pour ce mercato d’hiver, et pourraient encore être modifiées avant le prochain mercato d’été. Que faut-il retenir de ces règles pour les clubs belges ?
Les clubs anglais ne pourront plus recruter de joueurs étrangers de moins de 18 ans. C’est sans doute un des points les plus positifs pour les clubs belges. De nombreux clubs belges essaient de tout faire pour ne pas laisser partir leurs jeunes les plus prometteurs dans des clubs étrangers. Les clubs anglais ne pourront plus entrer dans la danse. Des transferts comme ceux de Januzaj à 16 ans d’Anderlecht vers Manchester United, de Charly Musonda Junior d’Anderlecht à Chelsea à 15 ans,… ne seront dès lors plus possibles. Même si la concurrence viendra toujours de l’étranger (France, Espagne, Allemagne,…), la menace des clubs anglais ne planera plus.
Passé cette relative bonne nouvelle, passons aux choses sérieuses. Le Royaume-Uni sortant de l’Union européenne avec le Brexit, les joueurs ressortissant de l’Union européenne ne bénéficieront plus de privilèges pour être transféré en Angleterre. C’est-à-dire qu’ils devront obtenir leur permis de travail pour pouvoir fouler les pelouses anglaises, comme c’est déjà le cas pour les joueurs sud-américains ou africains aujourd’hui. Accrochez-vous car les règles sont nombreuses, tout comme les exceptions.
On commence par une exception. Certains joueurs n’auront pas besoin d’obtenir un permis de travail. Il s’agit des joueurs qui bénéficient d’un certain pourcentage de temps de jeu dans leur équipe nationale senior. Par exemple, si un joueur d’une des 10 premières équipes du classement Fifa a joué au moins 30% du temps de jeu de son équipe nationale durant la période de référence, il sera automatiquement éligible pour jouer en Angleterre. Le temps de jeu requis augmente plus le pays est moins bien classé au classement Fifa. Attention, il ne s’agit pas du classement Fifa actuel, mais d’un classement Fifa agrégé par la Fédération anglaise de football. Par exemple si un joueur joue pour une équipe nationale classée entre la 31e et 50e position au classement Fifa agrégé, il devra comptabiliser au moins 70% de temps de jeu en équipe nationale. Au-delà de la 51e position au classement Fifa agrégé, cette exception n’est plus valable.
A priori, cette première règle devrait plutôt être défavorable aux clubs belges. La plupart des joueurs qui quittent notre championnat pour la Premier League ou la Championship font rarement partie régulièrement d’une équipe nationale du haut du classement Fifa agrégé. Peu de joueurs quittant la Belgique pourront donc bénéficier de cette exception.
Ils devront alors passer pour un système de points pour obtenir leur permis de travail. La règle est assez simple : à partir de 15 points, les joueurs auront droit à leur permis de travail.
Comment atteindre ces fameux 15 points ? Une série de critères rentrent en compte : le niveau du championnat dans lequel le joueur évolue, le classement final de son club, le nombre de minutes de jeu, les performances de son club sur la scène européenne,… La Pro League est considérée comme un championnat de « Band 2 », c’est-à-dire la 2e meilleure catégorie. Cela signifie qu’un joueur de Pro League obtient déjà 10 points rien qu’en jouant dans notre championnat. Les deux tiers du chemin sont donc faits pour espérer un transfert en Premier League. En ayant au moins 40% du temps de jeu en Pro League, un joueur obtiendra 5 points supplémentaires et pourra ainsi être transféré en Premier League. Plus le temps de jeu est élevé, plus le nombre de points augmente. De même, des points supplémentaires sont accordés si l’équipe termine à une position qualificative pour une coupe européenne, et le joueur reçoit également des points en fonction du parcours européen de son club.
A priori, cette règle ne devrait donc pas changer grand-chose tant que les clubs belges sont considérés comme faisant partie du « Band 2 ». Pour qu’un joueur n’ait pas assez de points, il faudrait qu’il ait moins de 40% de temps de jeu en Pro League, que son club ne soit pas européen, et qu’il ne termine pas non plus à une place qualificative pour une Coupe d’Europe. La probabilité est faible que des clubs anglais s’intéressent à un tel joueur.
Que de bonnes nouvelles pour clubs belges ? Pas si vite… Une autre règle s’ajoute également et pourrait sans doute compliquer la vie des clubs belges. Les clubs anglais ne pourront plus engager que 3 joueurs de moins de 21 ans par mercato, avec donc un maximum de 6 sur une même saison. C’est peut-être la règle qui fera le plus mal à certains clubs belges. Les clubs anglais devront être plus sélectifs dans leurs transferts de joueurs entre 18 et 21 ans. Avec les nouvelles règles, Manchester City aurait-il acheté Issa Kaboré à Malines avant de le prêter dans la foulée au même club ? Pas sûr. Sur la même période de transferts, les Cityzens ont acheté bien d’autres joueurs de moins de 21 ans. A l’avenir, ils se concentreront donc peut-être davantage sur des joueurs de moins de 21 ans pouvant apporter une plus-value directe, comme c’est le cas, par exemple, de Ferran Torres chez les Cityzens.
Cela vous parait compliqué ? On ne vous a même pas encore parlé des « exceptions panel » qui permettent d’octroyer un permis de travail à certains joueurs, pour cause de « circonstances exceptionnelles », qui n’auraient obtenu qu’entre 10 et 14 points pour le permis de travail…. Ni que les règles sont encore un peu différentes pour les joueurs de moins de 21 ans.
Contribution externe par Tom Jenné.
Photo : Arsenal

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